Étudiante infirmière, Laura témoigne de l’enfer vécu en stage

Pendant sa deuxième année à l’IFSI, Laura effectue un stage dans un EHPAD. Très vite, elle comprend qu’elle n’est pas la bienvenue. Elle sera même filmée à son insu pendant les soins. On vous raconte.

C’est un stage en EHPAD privé qui a bouleversé la vie de Laura, pourtant très bonne élève. Elle nous raconte son calvaire, consciente que de nombreux étudiants infirmiers vivent la même chose en stage.

« Mes deux tutrices ont instauré un climat de rejet immédiat : aucune présentation, aucun cadre d’encadrement, et surtout, aucun soutien. Très rapidement, je me suis retrouvée isolée, mise à l’écart, sans aucun repère. »


Elle tente alors de s’intégrer, de prouver sa motivation, mais chaque effort est accueilli avec mépris. Tout est prétexte à moquerie, son apparence, sa manière de parler, ses gestes. Le harcèlement devient alors quotidien.

« On m’interdisait l’accès à la salle de pause : je devais manger dehors, seule, en plein hiver. Mes repas étaient parfois renversés volontairement. Je n’avais pas non plus accès aux vestiaires : je me changeais derrière un paravent, dans un couloir, chaque matin. Un jour, une résidente m’a surprise ainsi et m’a proposé, avec bienveillance, d’utiliser les toilettes de sa chambre. Ce geste d’humanité m’a profondément touchée. »

Laura découvrira même que certains membres de l’équipe la filment en cachette pendant ses soins. Les vidéos circulent, alimentant les moqueries. « Une cagnotte avait même été créée : elle serait remportée par celui ou celle qui me ferait pleurer ou abandonner le stage. » Et puis un jour, les moqueries sont devenues des agressions physiques.


« Alors que je sortais les poubelles, les deux infirmières m’ont poussée dans le local à déchets et m’y ont enfermée pendant plus d’une heure. C’est un agent d’entretien, passant par hasard, qui m’a libérée. »

 Peu à peu, Laura s’éteint. Elle ne dort plus, ne mange plus, n’arrive plus à respirer sereinement. Ses parents finissent par remarquer que quelque chose ne va pas. Elle tente d’en parler, sans trop en dire, par peur de les inquiéter. Sa mère, très exigeante mais soucieuse de sa réussite, ne comprend pas la mauvaise évaluation obtenue en fin de stage. « J’ai fini par tout lui dire. Elle a été bouleversée. » raconte Laura, qui, alerte alors la cadre de santé, puis la direction de l’établissement.

 En vain. Le silence coupable encore qu’on évoquait dans le témoignage de Manon. La priorité semble être de protéger l’équipe en place, au détriment de la santé des étudiants. Bien qu’en arrêt de travail sur la fin du stage, elle retourne à l’EHPAD pour récupérer sa fiche d’évaluation. On la fait patienter plus de deux heures à l’extérieur, sous la pluie. Finalement, on lui remet le document, rempli sans sa présence : les dix compétences sont notées comme « non acquises ». Puis cette phrase cinglante :

« Les chiennes comme toi sont faites pour ramasser des chiffons, comme cette feuille de stage. »

Laura appelle sa mère en larmes. Cette dernière l’incite à contacter son IFSI. Laura rédige un rapport détaillé, qu’elle présente lors d’un rendez-vous avec le directeur. « Il m’a demandé pourquoi je n’avais rien dit plus tôt. J’ai répondu : Parce que j’avais honte. Parce que j’avais mal. Et surtout parce que j’avais peur que parler empire les choses. » L’entretien dure vingt minutes pour résumer neuf semaines d’un enfer silencieux.

Le directeur est interpellé : Laura est connue pour être sérieuse, discrète, avec d’excellents retours jusque-là. Le comité décide finalement de valider son stage. L’établissement, lui, continue d’accueillir des étudiants. Une injustice de plus, selon elle. Et pourtant, Laura a obtenu son diplôme.

« J’ai tenu bon. J’ai résisté. J’ai poursuivi mon rêve malgré les obstacles. » Aujourd’hui, elle travaille en poste fixe… en EHPAD. Un choix fort, presque symbolique. « Là où j’ai souffert autrefois. Mais aujourd’hui, tout est différent : j’aime mon métier. Je le fais avec passion, humanité, et engagement. J’encadre à mon tour des étudiants. Je les écoute, je les encourage, je les forme avec bienveillance. Parce que je sais à quel point un stage peut construire… ou détruire. Je veux changer l’image que les jeunes diplômés ont des EHPAD. Leur montrer que l’on peut y vivre une carrière riche et humaine, entouré de collègues respectueux et investis. Je veux que les futurs soignants aient envie de venir, pas par défaut, mais par vocation. Parce que les EHPAD ont besoin de renouveau, de fraîcheur, de bienveillance. Et parce que les étudiants méritent un environnement où l’on croit en eux. »

NB : Laura est un prénom fictif car ce témoignage est anonyme.

Des propos recueillis par Corinne Pauline NKONDJOCK

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