ASH : des bonnes à rien, vraiment ?
Dans une clinique de rééducation située à Saint-Jean-de-Védas, dans l’Hérault, une équipe de sept agents de service hospitalier (ASH) s’active chaque jour dans l’ombre. Le centre, imposant, s’élève sur cinq étages, avec seize chambres par étage, auxquelles s’ajoutent un rez-de-chaussée et un bâtiment annexe dédié aux hospitalisations de jour. Ces ASH, employées par une société de nettoyage lyonnaise, témoignent d’un quotidien professionnel marqué par une surcharge de travail, un manque criant de reconnaissance et des conditions qu’elles qualifient elles-mêmes de dégradantes.
« Ils nous ont déclarées en tant qu’agents de service hôtelier, alors que nous ne faisons pas du tout d’hôtellerie. On fait uniquement du ménage, et souvent en sous-effectif. »
Malgré la lourdeur de la tâche, l'équipe continue d'assurer ses missions avec rigueur : nettoyage des chambres, des couloirs, des sanitaires, mais aussi sortie des gros conteneurs de déchets — une tâche jugée « pas très hygiénique pour des agents de propreté ». Les fins de semaine et jours fériés, l’effectif est encore réduit : seules quatre personnes assurent la charge de travail pour l’ensemble de la clinique. Les infrastructures mises à disposition du personnel sont, selon elles, tout aussi révélatrices du manque de considération dont elles souffrent.
« Notre vestiaire est à l’extérieur, minuscule, vétuste. Pas de salle de pause. C’est nous qui lavons le linge que nous utilisons, avec des machines souvent en panne, de mauvaise qualité. »
Mais au-delà du matériel, c’est surtout l’attitude de la hiérarchie qui cristallise le malaise. Les témoignages pointent du doigt un management autoritaire, insensible, et sourd aux revendications. «Nos chefs de secteur sont méchantes. Elles ne font rien pour améliorer nos conditions. Leurs réponses sont toujours les mêmes : “C’est les clientes” ou, en cas d’absence, “Vous ventilez”. Notre cheffe de secteur nous a même dit un jour “vous êtes des bonnes à rien. Je devrais vous envoyer sur un site à Lyon où les ASH ont 28 chambres à faire en 3 minutes… »
Même les équipements de base, comme les chaussures de travail fournies, sont jugés inadaptés. Quant aux salaires, ils restent très bas. Aucun avantage, aucune prime Ségur, rien non plus durant la crise sanitaire liée au COVID-19. Le dimanche, la majoration n’est que de 7 euros brut me confie Nathalie.
« Nous sommes pourtant une bonne équipe. Travailleuses, ponctuelles, jamais absentes sans raison. Mais on n’est pas reconnues. » Un autre point de tension touche à la gestion des congés payés : certains jours de repos habituels sont décomptés comme des jours de congé, ce qui réduit artificiellement le droit au repos. « Si je suis en repos le lundi une semaine sur deux, et que je pose une semaine de congé, ils comptent quand même mon lundi comme un jour pris. Du coup, on y perd. »
Pour l’équipe, la dégradation des conditions coïncide clairement avec l’arrivée de la société de nettoyage, il y a quatre ans. Une précédente société gérait les mêmes missions, « et tout se passait bien », affirment-elles. Aujourd’hui, elles dénoncent une logique de sous-traitance agressive, où les coûts sont tirés vers le bas au mépris du bien-être des agents et de la qualité du travail rendu.
« Cette société ne devrait pas avoir le droit de travailler dans le médical. Elle s’impose dans le privé avec des tarifs bas, paye peu les agents, et installe un management toxique. » Même les patients, disent-elles, s’en rendent compte. « Les patients se plaignent de la direction. Ce n’est pas que nous, tout le monde le sent. »
Ce témoignage met en lumière un pan souvent oublié du secteur médical : celui des ASH, ces travailleuses de l’ombre, indispensables au bon fonctionnement des établissements de santé, mais trop souvent reléguées au second plan. « Merci de penser à tout le médical, même à nous, les ASH. Parce qu’on est souvent oubliées. » termine Nathalie.